Alors que les entreprises tentent de se transformer peu à peu, elles cherchent à faire labelliser leurs produits (biens et services) pour mieux convaincre de leurs engagements. À l’autre bout de la chaîne, le consommateur tente pour sa part d’acheter plus responsable. Dans la jungle de labels existants, l’éclairage par des acteurs tiers s’avère plus qu’indispensable pour favoriser les bons choix de part et d’autre.
« Les labels en France, c’est une véritable jungle ! ». Emily Spiesser, Référente Consommation plus responsable à l’Agence de la Transition Ecologique (ADEME) n’y va pas par quatre chemins quand il s’agit de s’exprimer sur l’étendue des labels existants. Emily Spiesser dédie une partie de son travail à trouver les moyens de mieux informer les consommateurs sur la signification des labels et leur apprendre à repérer ceux qui peuvent faire référence pour une catégorie de produits donnée.
« À l’ADEME, nous avons lancé des études sur les labels relatifs aux produits dès 2012. Notre méthode d’analyse des labels est basée sur une approche considérant le cycle de vie du produit et multi-impacts » explique Emily Spiesser. L’enjeu des études de l’ADEME sur ces sujets est d’arriver à cartographier les labels par catégorie de produits et déterminer la pertinence d’un label au regard de sa capacité à cibler les impacts environnementaux clés du produit. L’objectif est ainsi de guider tout un chacun pour réduire les impacts de la consommation et de la production en indiquant quels labels identifient les produits effectivement plus respectueux de l’environnement pour chaque catégorie de produits.
Pour cela, l’approche cycle de vie du produit est essentielle pour prendre en compte l’ensemble des impacts et non pas que les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) « L’approche GES nous unis tous, nous savons évaluer l’empreinte carbone, mais l’approche multi-critères est très importante, on ne recense pas moins de 15 impacts environnementaux différents » précise Emily Spiesser, « l’enjeu est donc de prendre en compte les impacts de manière globale pour d’éviter de déplacer le problème ».
Emily Spiesser rappelle qu’un label est spécifique pour une catégorie de produits. Ainsi, la méthodologie déployée par l’ADEME pour analyser les labels est segmentée par catégorie de produits. Deux grands critères apparaissent comme fondamentaux pour valider la pertinence d’un label :
1. Robustesse environnementale : les critères du label correspondent-ils bien aux enjeux environnementaux clés par catégorie de produits ?
2. Robustesse structurelle : qui certifie ? Le label est-il mis à jour régulièrement ? Est-ce qu’un tiers indépendant audite les candidats ? Y a-t-il plusieurs parties prenantes autour de la table pour établir un consensus sur le référentiel du label ?
A l’aide de ces premiers garde-fous et pour pouvoir disposer d’études fiables et étayées sur les labels, Emily Spiesser travaille à l’aide d’une méthodologie complète, dont la version actuelle date de 2017. Pour l’établir, Emily Spiesser a travaillé avec d’autres experts de l’ADEME et des experts de l’évaluation environnementale, et en s’appuyant sur les Analyses de Cycle de Vie produits (ACV) alors existantes. Pour l’heure, l’ADEME a analysé les labels environnementaux de 34 catégories de produits différentes. Les impacts environnementaux de chaque catégorie de produits sont expliqués pour chaque catégorie à travers des fiches détaillées mises à disposition de toutes et tous.
2024 est l’année de lancement d’un nouveau chantier autour de cette méthodologie. Pour l’experte consommation plus responsable de l’ADEME, l’objectif est d’améliorer et rendre la plus incontestable possible la méthodologie. Ainsi, à partir de mai 2024, l’ADEME se lance dans 30 mois de travaux. « Nous allons multiplier par deux le nombre de catégories de produits étudiées et renforcer l’ensemble de notre méthodologie » précise Emily Spiesser.
A travers ces études, l’ADEME cherche ainsi à favoriser une consommation plus responsable. « L’objectif de l’ADEME n’est pas de pointer tel ou tel produit mais plutôt d’orienter les consommateurs vers les produits plus respectueux de l'environnement » précise Emily Spiesser.
Le terme “label” provient de l’anglais label signifiant “étiquette”, « c’est pour cela qu’à l’ADEME nous tenons à préciser qu’un label est nécessairement matérialisé par un pictogramme apposé au produit et doit être associé à un cahier des charges qui liste les garanties environnementales auxquelles le produit devra répondre » ajoute la Référente Consommation plus responsable de l’ADEME. Ce repère visuel est d’autant plus important qu’il permet de facilement guider le consommateur vers les produits les moins impactants. Tout l’enjeu étant donc de lui montrer lequel a du sens pour une catégorie de produits donnée.
Ainsi, en créant une page web spécifique via le site de l'Agence de la transition écologique, l’ADEME aide efficacement les consommateurs en leur recommandant les labels fiables. Le site propose des contenus indiquant pour les 34 catégories de produits identifiés quels labels sont les plus pertinents pour repérer un produit plus responsable dans le commerce et affiche les visuels associés à chacun de ces labels pour en favoriser la mémorisation. « Les labels, c’est une jungle. En 2012, j’en avais recensé plus de 450 », ajoute Emily Spiesser. Plus précisément, elle explique que tous ne sont pas des labels à proprement parler mais parfois juste des “logos” apposés sur les produits sans preuve de la démarche associée.
« La communication est essentielle autour de ces labels. Les entreprises paient pour obtenir les labels donc ce n’est pas anormal qu’elles veuillent en parler » ajoute encore Emily Spiesser. A ses yeux, les labels sont devenus de véritables arguments de vente, « c’est aussi pour cela que qu’il y a d’ailleurs du greenwashing ». Le rôle de l’ADEME est de prévenir ce greenwashing et permettre au consommateur de s’orienter vers les produits plus respectueux de l’environnement.
Au-delà des enjeux de communication, la labellisation ne doit pas faire oublier à l’entreprise que si elle permet de fixer les bons objectifs, elle n’est qu’un moyen supplémentaire de continuer la mise en action. Quels que soient la qualité du ou des labels retenus pour ses produits (biens ou services) et le niveau d’adéquation avec le besoin, l’entreprise doit également s’engager dans une démarche environnementale de son entreprise, et aussi réfléchir à comment elle peut contribuer à une démarche de sobriété pour effectuer une réelle transition.
Côté consommateur, le travail de l’ADEME et d’autres organisations aident à les emmener vers une consommation plus responsable. Devant les enjeux de communication des entreprises pour valoriser leurs engagements, les consommateurs doivent néanmoins rester très vigilants. Si les délits pour fausses allégations environnementales tombent en théorie sous le coup de la loi, aucune condamnation n’a encore été formellement prononcée contre une entreprise française alors qu’il y a de plus en plus d’affaires en cours. La sensibilisation des consommateurs, la formation des salariés, l’accompagnement des entreprises et la vigilance d’organisations extérieures comme l’ADEME restent donc aujourd’hui des éléments clés pour favoriser la transition vers une consommation plus sobre et plus responsable.
Emily Spiesser (ADEME) était présente à l’édition 2023 du Congrès de la Communicationet du Marketing Responsables. Elle intervenait sur la conférence : «L’information du consommateur à travers les labels, normes, logos… » auxcôtés de Xavier Parenteau (Ipama)
Auteur de l'article : Rémy Marrone pour le Congrès de la Communication et du Marketing Responsables